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                                    [La compagnie de Lazare - 63 Automne - %u00ae 2024]J%u2019ai %u00ab rat%u00e9 le bac %u00bb !Impossible de ne pas rire moi-m%u00eame %u00e0 cette phrase qui m%u2019%u00e9chappe, depuis la cabine t%u00e9l%u00e9phonique du port de Stavanger. Je viens de pr%u00e9venir mon cousin Guy qu%u2019il devra encore patienter quelques heures avant de me r%u00e9cup%u00e9rer avec sa vieille camionnette bleue de l%u2019autre c%u00f4t%u00e9 du d%u00e9troit. Je suis ce jour-l%u00e0 en Norv%u00e8ge o%u00f9 je me pr%u00e9pare %u00e0 passer avec lui une petite semaine, %u00e0 vivre tous les deux comme des Robinson dans sa cabane en bois au confort sommaire, perch%u00e9e au-dessus du fjord grandiose de Nessa.Pour moi qui me suis jur%u00e9 de ne jamais rien rater de ma vie (ni train ni avion) et qui ai %u00e0 peu pr%u00e8s r%u00e9ussi %u00e0 tenir mes objectifs jusqu%u2019ici, me voici ridiculis%u00e9 par une vulgaire navette maritime qui relie quelques ports et villages norv%u00e9giens. Doublement ridiculis%u00e9 m%u00eame puisque pour une raison trop longue %u00e0 raconter ici, mon sac principal (avec notamment tous mes appareils photos) est d%u00e9j%u00e0 parti %u00e0 bord d%u2019un autre bac.Me voici donc avec le petit sac %u00e0 dos de survie qui ne me quitte jamais et une journ%u00e9e %u00e0 tuer.Tout naturellement, je sors ma bo%u00eete d%u2019aquarelles pour mieux profiter de la lumi%u00e8re magnifique et des paysages somptueux.%u00c0 peine ai-je commenc%u00e9 %u00e0 mouiller mes pinceaux que je suis rejoint par une tr%u00e8s jeune fille. %u00c9trangement, elle ne parle pas un mot d%u2019anglais mais se fait parfaitement comprendre avec des gestes.Malgr%u00e9 plusieurs heures ensemble, je n%u2019apprendrai que son pr%u00e9nom : Camilla. Elle restera toute la journ%u00e9e l%u00e0, tout pr%u00e8s de moi, %u00e0 observer le moindre de mes gestes. Au bout d%u2019un moment, je lui donnerai une feuille de papier pour qu%u2019elle dessine elle aussi. En fin de journ%u00e9e, elle me quittera comme elle m%u2019avait rejoint : sans rien dire.Et %u00e0 l%u2019heure dite, je grimperai enfin sur le dernier bac pour rejoindre mon cousin.De Camilla, aujourd%u2019hui, il ne me reste que ce souvenir %u00e0 la fois doux et vivace de %u00ab m%u00e9lange d%u2019inuit et de Petite maison dans la prairie, pas vraiment norv%u00e9gien %u00bb comme me le dira avec justesse une amie avec laquelle je partagerai ce visage reconstitu%u00e9. Plus que le visage d%u2019ailleurs, il me reste surtout le souvenir, d%u2019une pr%u00e9sence, ou plut%u00f4t d%u2019une non-pr%u00e9sence. Assur%u00e9ment l%u2019une des rencontres les plus douces et les plus apaisantes de tous mes voyages.13- Norv%u00e8ge Le rattrapage du BacQuelques aquarelles en attendant le dernier bac dans le port de Stavanger %u00a9 Christophe Labarde
                                
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