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                                    [La compagnie de Lazare - 63 Automne - %u00ae 2024]Novembre 2015. %u00c0 Medellin, grande ville %u00e0 l%u2019ouest de Bogota, le fameux quartier %u00ab Comuna 13 %u00bb %u00e9tait, il y a quelques mois encore, l%u2019un des plus dangereux quartiers de la ville et de tout le pays. Personne, pas m%u00eame la police, n%u2019osait s%u2019y aventurer. Les temps ont chang%u00e9 et je m%u2019y prom%u00e8ne aujourd%u2019hui en toute impunit%u00e9, m%u00eame si quelque chose d%u2019impalpable, de t%u00e9nu, laisse imaginer que la violence pourrait revenir aussi vite qu%u2019elle a disparu.Tout, ici est spectaculaire. %u00c0 commencer par cette accumulation de bidonvilles en labyrinthe aux couleurs criardes, empilement de petites maisons presque %u00e9croul%u00e9es les unes sur les autres en une mani%u00e8re de favelas sur les pentes abruptes des montagnes alentour.Impossible, %u00e9videmment, de ne pas penser %u00e0 Pablo Escobar, le plus fameux des barons de la drogue des ann%u00e9es 80, qui avait fini par contr%u00f4ler 80 % du commerce mondial de la coca%u00efne. Comuna 13 %u00e9tait au c%u0153ur de son Empire, qui s%u2019%u00e9tendait de la Bolivie au P%u00e9rou.Bien s%u00fbr, Escobar est mort depuis plus de 20 ans mais son ombre est encore partout. Y compris dans la conversation des plus jeunes qui ne l%u2019ont pas connu mais dont certains le regrettent pourtant. Probablement parce que leurs familles vivaient mieux dans le trafic ill%u00e9gal qu%u2019elles ne survivent aujourd%u2019hui %u00e0 travers de petites combines plus ou moins l%u00e9gales ou, pour les plus visibles, un art des rues encore maladroit ou criard.Beaucoup de jeunes tra%u00eenent d%u00e9sormais au grand jour, arm%u00e9s de bombes%u2026 de peinture. C%u2019est le cas de Maria Isabel, troublante de sensualit%u00e9, et dont je n%u2019ose pas trop croiser le regard un peu triste, la bouche sensuelle et les cheveux encore mouill%u00e9s par l%u2019averse qui vient de %u00ab rincer %u00bb copieusement tout le quartier. Ce n%u2019est pas elle, trop farouche, qui me prendra en photo ce jour-l%u00e0, mais son petit ami, qu%u2019elle ne quitte pas d%u2019une semelle et avec lequel je parle longuement.En %u00e9crivant ces lignes, je me demande ce qu%u2019est devenu ce couple aussi fragile que touchant. D%u2019eux, je ne sais pas grand-chose. Si ce n%u2019est qu%u2019elle s%u2019appelait Maria Isabel. Comme la femme d%u2019un certain Escobar. Lui, d%u2019ailleurs, s%u2019appelait%u2026 Pablo.%u00c0 l %u2019ombre de Pablo 04- ColombieUn portrait par Pablo, dans l%u2019ombre de Pablo %u00a9 Christophe Labarde 
                                
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