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993 Des dates imp%u00e9rativesApparurent par cons%u00e9quent de nouvelles dates imp%u00e9ratives, particuli%u00e8rement les f%u00eates de Mont-de-Marsan en juillet. J%u2019ouvre ici une parenth%u00e8se. Mes parents poss%u00e9daient dans la pr%u00e9fecture des Landes une petite maison o%u00f9 j%u2019avais pass%u00e9 la majorit%u00e9 de mes vacances. C%u2019est ainsi qu%u2019ils m%u2019avaient promen%u00e9, enfant, de ferias en ferias ; quelques images tourn%u00e9es en cam%u00e9ra Super 8, %u00e9trangement tremblantes et ralenties, me montrent entre 7 et 10 ans parmi des adultes rieurs, %u00e9l%u00e9gants, qui prenaient %u00e0 l%u2019%u00e9vidence la vie %u00e0 la l%u00e9g%u00e8re et donc la f%u00eate au s%u00e9rieux.Ah, %u00ab La Madeleine %u00bb ! Dans ce tr%u00e9sor de gratuit%u00e9 qu%u2019on appelle les souvenirs, je n%u2019ai rien, je crois, qui soit plus pr%u00e9cieux. En 1995 la maison du Manot (1) se remplissait pour la premi%u00e8re fois d%u2019une dizaine de mes amis qui venaient jouer des coudes au milieu des g%u00e9n%u00e9rations pr%u00e9c%u00e9dentes. Lors de chaque d%u00e9jeuner nous nous retrouvions, jeunes et vieux m%u00eal%u00e9s, autour de la longue table dress%u00e9e sous les m%u00fbriers d%u2019o%u00f9 nos rires partaient en fus%u00e9es. Si la joie est une lumi%u00e8re pure, sans ombre, alors convenons que dans ce coin de jardin d%u2019un lotissement quelconque l%u2019ensoleillement fut exceptionnel. L%u2019alcool de couleur acajou et surtout les chansons, le meilleur r%u00e9pertoire comme le pire, retardaient la sortie de table et c%u2019est dans la plus grande confusion qu%u2019%u00e0 17 h 30 %u00ab p%u00e9tantes %u00bb nous partions vers les ar%u00e8nes. La 4 L Renault paternelle se chargeait alors de 8 ou 9 passagers qui se mettaient en boule ou, au contraire, formaient des planches jusqu%u2019%u00e0 se stratifier, leurs jambes d%u00e9bordant du hayon arri%u00e8re. Si vite qu%u2019elle roule, l%u2019automobile donne l%u2019impression d%u2019un avion qui ne pourra jamais d%u00e9coller : c%u2019%u00e9tait le cas de la 4 L en g%u00e9n%u00e9ral et de la n%u00f4tre en particulier.La corrida termin%u00e9e, nous plongions la t%u00eate la premi%u00e8re dans le pays sans horloge (autre d%u00e9finition de la f%u00eate). Un pays sans horloge, et sans boussole. Si bien qu%u2019il arriva souvent que l%u2019un des n%u00f4tres dispar%u00fbt, qu%u2019il s%u2019%u00e9vapor%u00e2t dans Montde-Marsan comme s%u2019il s%u2019%u00e9tait agi de New Delhi. Le lendemain, nous appelions les h%u00f4pitaux, la gendarmerie. Le copain demeurait introuvable. Et puis, deux ou trois nuits plus tard, nous le retrouvions par hasard dans une bodega avec une Landaise dans les bras et une belle-famille au complet autour de lui. D%u2019autres connaissaient des %u00e9pisodes moins vernis. Tel celui-ci, par exemple, qui termina sa course nocturne en position f%u0153tale sur l%u2019herbe d%u2019un rond-point. Lorsqu%u2019il se r%u00e9veilla, il avait %u00e9t%u00e9 d%u00e9pouill%u00e9 de ses v%u00eatements et de ses chaussures. Nous le v%u00eemes revenir, toujours aussi indulgent vis-%u00e0-vis de l%u2019existence et de lui-m%u00eame, dans son slip aux couleurs d%u00e9lav%u00e9es.Le Sud-Ouest est une f%u00eate !(1) Quartier de Saint-Pierre du Mont, %u00e0 l%u2019entr%u00e9e de Mont-de-Marsan.