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                                    [La compagnie de Lazare - 63 Automne - %u00ae 2024]Litt%u00e9ratureJe viens de faire quelques vols sur P. 38. C%u2019est une belle machine. J%u2019aurais %u00e9t%u00e9 heureux de disposer de ce cadeau-l%u00e0 pour mes vingt ans. Je constate avec m%u00e9lancolie qu%u2019aujourd%u2019hui, %u00e0 quarante trois ans, apr%u00e8s quelque six mille cinq cents heures de vol sous tous les ciels du monde, je ne puis plus trouver grand plaisir %u00e0 ce jeu-l%u00e0. Ce n%u2019est plus qu%u2019un instrument de d%u00e9placement %u2013 ici de guerre. Si je me soumets %u00e0 la vitesse et %u00e0 l%u2019altitude %u00e0 mon %u00e2ge patriarcal pour ce m%u00e9tier, c%u2019est bien plus pour ne rien refuser des emmerdements de ma g%u00e9n%u00e9ration que dans l%u2019espoir de retrouver les satisfactions d%u2019autrefois.Ceci est peut-%u00eatre m%u00e9lancolique, mais peut-%u00eatre bien ne l%u2019est-ce pas. C%u2019est sans doute quand j%u2019avais vingt ans que je me trompais. En octobre 1940, de retour d%u2019Afrique du Nord o%u00f9 le groupe 2-33 avait %u00e9migr%u00e9, ma voiture %u00e9tant remis%u00e9e exsangue dans quelque garage poussi%u00e9reux, j%u2019ai d%u00e9couvert la carriole et le cheval. Par elle l%u2019herbe des chemins. Les moutons et les oliviers. Ces oliviers avaient un autre r%u00f4le que celui de battre la mesure derri%u00e8re les vitres %u00e0 130 kilom%u00e8tres %u00e0 l%u2019heure. Ils se montraient dans leur rythme vrai qui est de lentement fabriquer des olives. Les moutons n%u2019avaient pas pour fin exclusive de faire tomber la moyenne. Ils redevenaient vivants. Ils faisaient de vraies crottes et fabriquaient de la vraie laine. Et l%u2019herbe aussi avait un sens puisqu%u2019ils la broutaient.Et je me suis senti revivre dans ce seul coin du monde o%u00f9 la poussi%u00e8re soit parfum%u00e9e (je suis injuste, elle l%u2019est en Gr%u00e8ce aussi comme en Provence). Et il m%u2019a sembl%u00e9 que, toute ma vie, j%u2019avais %u00e9t%u00e9 un imb%u00e9cile%u2026Il n%u2019est pas de victoire aujourd%u2019hui, rien qui ait la densit%u00e9 po%u00e9tique d%u2019un Austerlitz.Tout cela pour vous expliquer que cette existence gr%u00e9gaire au coeur d%u2019une base am%u00e9ricaine, ces repas exp%u00e9di%u00e9s debout en dix minutes, ce va-et-vient entre les monoplaces de 2.600 chevaux dans une b%u00e2tisse abstraite o%u00f9 nous sommes entass%u00e9 %u00e0 trois par chambre, ce terrible d%u00e9sert humain, en un mot, n%u2019a rien qui me caresse le c%u0153ur. %u00c7a aussi, comme les missions sans profit ou espoir de retour de juin 1940, c%u2019est une maladie %u00e0 passer. Je suis %u00ab%u00a0malade%u00a0%u00bb pour un temps inconnu. Mais je ne me reconnais pas le droit de ne pas subir cette maladie. Voil%u00e0 tout. 
                                
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