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[La compagnie de Lazare - 63 Automne - %u00ae 2024]Litt%u00e9ratureC%u2019en %u00e9tait trop. %u00c0 court d%u2019argument, de ressources et surtout d%u2019imagination, le grand-p%u00e8re avoua qu%u2019il %u00e9tait incapable de se prononcer sur l%u2019instant. Il demanda un d%u00e9lai. Le Diable, s%u00fbr de lui, le lui accorda sans probl%u00e8me, comme on accorde un dernier sursis.%u2014 Je repasserai ici-m%u00eame dans une semaine, pr%u00e9cisa-t-il. %u00c0 mon retour, tu me feras conna%u00eetre ton souhait. Ce sera %u00e0 prendre ou %u00e0 laisser. L%u2019Histoire ne repasse pas les plats. Le Diable non plus%u2026Fier de son bon mot, il observa la r%u00e9action du vieil homme. Mais celui-ci, d%u00e9stabilis%u00e9, p%u00e2le, titubant toujours l%u00e9g%u00e8rement, releva %u00e0 peine et opina simplement du b%u00e9ret pour signifier qu%u2019il n%u2019oublierait pas ce rendez-vous.Sans m%u00eame se retourner, il redescendit vers le village.La semaine qui suivit fut pour lui un calvaire. Il alla %u00e0 confesse, testant avec mille pr%u00e9cautions l%u2019hypoth%u00e8se d%u2019une rencontre avec le Diable aupr%u00e8s de l%u2019abb%u00e9 Larriet. Mais ce dernier, sans grande surprise, se montrait toujours intraitable : non seulement on ne pactise pas avec Satan mais on ne discute m%u00eame pas avec lui si d%u2019aventure on le rencontre. Le grandp%u00e8re jura, ou plut%u00f4t fit semblant de jurer, qu%u2019il saurait s%u2019en souvenir.Il se confia %u00e9galement %u00e0 sa femme, un soir de veill%u00e9e o%u00f9 ils s%u2019%u00e9taient retrouv%u00e9s tous les deux seuls au pied de la grande chemin%u00e9e de la maison familiale. Cela ne fit en rien avancer l%u2019affaire. Au contraire. Sans m%u00eame comprendre toute l%u2019histoire (dont il s%u2019%u00e9tait gard%u00e9 de lui confier tous les tenants et les aboutissants) ma grandm%u00e8re en rajouta dans le drame car mon grand-p%u00e8re r%u00e9alisa soudainement qu%u2019il avait oubli%u00e9, dans son raisonnement, de rajouter la d%u00e9testation de la voisine %u00e0 celle du voisin.Les jours s%u2019%u00e9grenaient et il ne parvenait pas %u00e0 trouver le sommeil.Le dernier soir pourtant, alors qu%u2019il avait tourn%u00e9 et retourn%u00e9 le probl%u00e8me dans tous les sens, il eut enfin une illumination. En pleine nuit, il se redressa sur le lit comme s%u2019il %u00e9tait victime d%u2019une attaque soudaine, mais ma grand-m%u00e8re, qu%u2019il r%u00e9veilla en sursaut, vit au contraire un large sourire qu%u2019elle ne lui avait jamais connu illuminer tout son visage. Le grand-p%u00e8re se rendormit vite, comme apais%u00e9, et le sourire ne le quitta plus, m%u00eame au plus profond de son sommeil.Le lendemain matin, d%u00e8s la premi%u00e8re heure, alors que le coq n%u2019avait pas encore chant%u00e9, il se r%u00e9veilla une nouvelle fois en sursaut, %u00e9puis%u00e9 mais transfigur%u00e9. Sans dire un mot, il se leva, s%u2019habilla, prit son b%u00e2ton, son b%u00e9ret, et apr%u00e8s avoir aval%u00e9 un quignon de pain, but un verre de lait de brebis et partit d%u2019un pas d%u00e9cid%u00e9 %u00e0 la rencontre du Diable.